La Vie éco : En 2009, le PIB non agricole n'a progressé que de 1,6% alors que la valeur ajoutée agricole a crû de 26,2%. Faut-il y voir une déconnexion entre l'agriculture et le reste des activités économiques ?
Ahmed Lahlimi : La croissance économique a eu tendance, au cours des dernières années, à dépendre relativement moins de la production agricole, en raison, notamment, du dynamisme qu'ont connu les activités tertiaires et secondaires. Les valeurs ajoutées des secteurs agricoles et non agricoles sont fondamentalement dépendantes, pour le premier, des conditions climatiques et, pour le second, de la demande extérieure adressée à notre pays. Elles n'en sont pas, pour autant, dans des rapports de déconnexion, comme cela peut paraître. En fait, l'agriculture impacte favorablement, par ses «output», le dynamisme de plusieurs activités de production et de services et améliore, par ailleurs, la consommation finale des ménages. Les travaux du HCP ont pu montrer que ce secteur a des effets multiplicateurs sur le reste de l'économie de 1,34 en amont et de 2,67 en aval.
L'inflation en 2009 n'a été que de 1% malgré le dynamisme de la demande intérieure, en particulier la consommation des ménages...
Il faut, à cet égard, tenir compte de l'effet conjugué de deux phénomènes. D'un côté, le taux de croissance de la consommation des ménages a reculé presque de moitié, passant de 14,9% en 2008 à 7,6% en 2009. De l'autre côté, les prix à l'importation de plusieurs produits de grande consommation (énergie, huiles, céréales
) ont connu une forte baisse, au moment où les prix de certains biens et services, notamment dans le secteur de la communication et de l'audiovisuel, continuaient leur tendance à diminuer.
Pour la première fois, l'inflation sous-jacente a été supérieure à l'inflation brute. Le nouvel indice des prix y est-il pour quelque chose ?
Comme vous le savez, l'inflation sous-jacente est mesurée par l'indice des prix à la consommation après exclusion des produits dont les prix sont administrés ou réputés volatils. Ces produits, notamment l'énergie, les huiles et les céréales, ayant connu une baisse significative en 2009, leur exclusion a, ainsi, été à l'origine de la différence entre les deux calculs de l'inflation (globale et sous-jacente), et ce, en raison de leur poids important dans le panier de l'IPC (de 10,5%). Ceci étant, le passage de l'ICV à l'IPC n'y est pas pour grand-chose. Sur les trois dernières années, la différence entre les deux indices s'est avérée négligeable.
Vous revendiquez l'amélioration de l'indice de développement humain dont vous dites qu'il reflète imparfaitement le niveau de développement atteint par le Maroc.
Nous ne sommes pas les seuls à revendiquer cette amélioration. Nous nous inscrivons, en fait, dans un débat international où nos positions sont largement confortées par celles d'experts et de responsables éminents au sein de plusieurs organismes internationaux, y compris des instances compétentes des Nations Unies. Nous n'avons jamais contesté, en ce qui concerne le Maroc, les statistiques utilisées par le PNUD, pour la simple raison qu'elles émanent du HCP.
Notre position porte plutôt sur les limites de l'IDH calculé par le PNUD, en tant que mesure du niveau de développement humain des pays et, encore plus le fait qu'il soit inapproprié à servir comme critère pour hiérarchiser leurs performances dans ce domaine. De notre point de vue, il est, par ailleurs, particulièrement contestable au regard de la disparité, dans le monde et notamment dans les pays en développement, des niveaux de qualité, voire de disponibilité, des données statistiques aux normes internationales. En ce qui nous concerne, allant au-delà de cette position critique, nous avons, pour mesurer le niveau de développement humain dans notre pays, confectionné un indicateur plus riche et plus significatif que l'IDH. Il intègre aussi bien les éléments monétaires que non monétaires qui concourent à différencier les niveaux de vie des populations, à toutes les échelles sociales et territoriales. Dans une perspective d'évaluation ou d'amélioration des politiques publiques en matière de développement humain, un tel indicateur devrait, nous semble-t-il, revêtir plus de pertinence à l'usage des décideurs, des opérateurs économiques et sociaux et de l'opinion publique.