ALM : Nous entamerons bientôt le dernier trimestre de cette année. Quel bilan préliminaire peut-on faire ?
Ahmed Lahlimi Alami : Je pense que la croissance économique en 2012 restera autour de 2,4% comme nous l’avons prévu en juin dernier. Depuis lors, les données fournies par nos analyses de conjoncture des entreprises et des ménages et les arrêtés trimestriels des comptes nationaux confortent cette prévision.
La baisse des activités primaires, la quasi-stagnation des activités industrielles et une légère inflexion de la dynamique des activités du bâtiment, relevées lors de ces enquêtes, sont à l’origine de ce ralentissement du rythme de croissance du Produit intérieur brut (PIB). Celui-ci, rappelons-le, a été, selon la comptabilité nationale, de 2,8% au 1er trimestre 2012 contre 5,6% le même trimestre de l’année précédente. Nos prévisions pour le 2ème trimestre tablent sur 2,6% contre 4,5% le même trimestre de l’année 2011.
Par ailleurs, les dernières informations publiées par les services du ministère des finances, l’Office des changes et Bank Al-Maghrib confirment, au plan des équilibres macroéconomiques, la robustesse de nos prévisions en matière de déficit des finances publiques, des finances extérieures et des tensions qui en résultent sur les conditions de financement de l’économie.
Existe-t-il réellement un risque de retour au PAS des années 80, en raison des déficits actuels et le recours à l’endettement sur le marché international ?
Nos prévisions pour 2012 et 2013 montrent un creusement des déficits du budget de l’Etat et des échanges extérieurs, alors que les activités économiques continuent à connaître un relatif dynamisme dans plusieurs secteurs. On peut considérer que cette situation revêt un aspect plutôt conjoncturel lié aux effets de la mauvaise année agricole et de la crise que connaissent nos principaux partenaires commerciaux de la zone euro et au-delà de l’ensemble de l’économie mondiale, aussi bien qu’à l’augmentation des prix internationaux des produits alimentaires et énergétiques. Malgré les mauvais souvenirs qui peuvent rappeler aujourd’hui la dégradation des équilibres financiers, il ne faut pas se hâter de comparer la situation économique actuelle avec celle qui a prévalu dans notre pays au cours des années 80. La détérioration du cadre macroéconomique était associée à une fragilité des structures de l’économie et la dette publique extérieure dépassait 100% du PIB. Ceci étant, le niveau excessif des équilibres internes et externes de ces dernières années, dans un contexte de crise économique internationale durable, appelle à une vigilante prudence dans la gestion macroéconomique de notre pays.Des réformes de structure pour équilibrer les finances publiques et améliorer la compétitivité de notre économie doivent se nourrir d’une volonté politique redoublée afin de capitaliser les acquis économiques et sociaux des dernières années et anticiper les défis de l’avenir.
Vous avez affirmé que la croissance de l’année prochaine sera soutenue par la demande intérieure. Comment ?
Depuis une décennie, le modèle de croissance économique nationale est basé sur le dynamisme de l’investissement, notamment public, et de la consommation des ménages. Ces deux composantes de demande intérieure ont bénéficié de la politique budgétaire expansive de l’Etat et de l’amélioration importante du pouvoir d’achat des ménages. Selon nos prévisions de juin 2012, l’année 2013 devrait continuer à bénéficier des effets d’une grande partie des investissements déjà programmés et des acquis sociaux antérieurs. Elle ne devrait pas connaître de rupture significative dans ce modèle de croissance.
Il faut, cependant, attendre la fin de l’année et connaître, notamment, les dispositions de la loi de Finances pour l’année 2013, pour actualiser ces prévisions.
Qu’en est-il du déficit commercial et budgétaire de l’année prochaine?
Dans une hypothèse de continuité de la politique budgétaire, nos prévisions pour 2013 font ressortir une amélioration des exportations marocaines, sous l’effet d’une légère amélioration de la demande mondiale adressée à notre pays. Cette amélioration, au cas où elle se réaliserait, resterait toutefois insuffisante pour assurer la couverture des besoins en importations et n’empêcherait pas une accentuation du déficit de notre commerce extérieur. Par ailleurs, il ressort de l’analyse du compte épargne-investissement que les déséquilibres structurels en matière de financement de l’économie nationale devraient se creuser. Le taux d’épargne nationale serait, en effet, en fléchissement, passant de 28% en 2011 à 26,9% en 2012 et à 26,3% en 2013. En revanche, le taux d’investissement brut s’élèverait à 35,6% du PIB en 2013, au même niveau estimé pour 2012. Le besoin de financement de l’économie nationale resterait ainsi insoutenable, de l’ordre 9,3% du PIB selon nos prévisions, après avoir connu un taux observé de 8% en 2011 et selon un taux estimé de 8,6% en 2012.
Est-ce que le HCP dispose de données sur l’impact de la réforme de la Caisse de compensation sur le pouvoir d’achat des ménages ?
Sur cette question nous avons eu plusieurs fois l’occasion de montrer la perversité, au plan économique et social, des dépenses budgétaires de soutien à la consommation. Nous avons, dans ce cadre, présenté plusieurs modalités de sortie de ce modèle de subventions forfaitaires, porteur de distorsions des mécanismes du marché et de creusement des inégalités sociales. Nous avons ainsi élaboré plusieurs modèles de ciblage géographique et social des crédits budgétaires au profit des territoires et des ménages les plus pauvres. De par nos attributions, nous ne préconisons aucun de ces modèles, tout en évaluant les avantages et les inconvénients de chacun d’eux. Le but de nos travaux se limite à susciter le débat sur ces questions d’intérêt national, éclairer la décision publique et, le cas échéant, en évaluer les effets. Ces travaux ont, du reste, fait l’objet de plusieurs séminaires et sont publiés dans notre site (www.hcp.ma).
La multiplication des sources de données sur les indicateurs économiques du pays donne l’impression que chaque organisme travaille en solo. Ne pensez-vous pas que le HCP doit œuvrer pour plus de coordination, notamment avec BAM et le ministère des finances ?
Chacune des institutions dont vous faites mention a son domaine de compétence et fournit les données qui relèvent de ses attributions. La coordination est, dès lors, nécessaire. Et elle est effective.
Les services du ministère des finances publient les données sur le budget de l’Etat, l’Office des changes sur les échanges extérieurs, Bank Al-Maghrib sur la monnaie et le crédit. Le HCP, de son côté, fournit les résultats de ses enquêtes régulières sur l’emploi, les prix à la production et à la consommation, la conjoncture économique et sociale. Il traite, par ailleurs, les informations produites, parfois, par d’autres institutions à partir des enquêtes régulières qu’elles réalisent dans leurs secteurs respectifs, comme c’est le cas, par exemple, du ministère de l’industrie ou celui du tourisme.
Par ailleurs, le HCP élabore les budgets économiques semestriels par lesquels il donne l’évolution des principaux agrégats de l’économie nationale et réalise périodiquement des études sur la démographie, le niveau de vie et le revenu des ménages et d’autres études économiques à caractère général. Bien entendu, il est en charge de l’établissement des comptes de la nation qui donnent l’image chiffrée de l’économie nationale, de ses ressources et de ses emplois, par secteur et par agent économique. Vous voyez ainsi que l’apport du HCP sert aussi bien la politique budgétaire définie par le ministère des finances que la politique monétaire menée par Bank Al-Maghrib, comme les informations statistiques fournies par ces derniers sont utilisées par le HCP dans ses travaux de prévisions et l’élaboration des comptes nationaux. Il n’y a, dès lors, aucun souci à se faire sur la cohérence des rapports institutionnels au plan de l’information économique dans notre pays. Ceci étant, même si les prévisions économiques du HCP restent, en grande partie, la référence nationale et internationale, d’autres prévisions sont publiées par différentes sources, publiques ou privées, et peuvent être contradictoires. Cela n’arrive que dans le domaine des prévisions et n’est pas spécifique au Maroc. De toute façon, les comptes nationaux sont là pour apporter le terme final aux prévisions.
Ahmed Lahlimi Alami : Je pense que la croissance économique en 2012 restera autour de 2,4% comme nous l’avons prévu en juin dernier. Depuis lors, les données fournies par nos analyses de conjoncture des entreprises et des ménages et les arrêtés trimestriels des comptes nationaux confortent cette prévision.
La baisse des activités primaires, la quasi-stagnation des activités industrielles et une légère inflexion de la dynamique des activités du bâtiment, relevées lors de ces enquêtes, sont à l’origine de ce ralentissement du rythme de croissance du Produit intérieur brut (PIB). Celui-ci, rappelons-le, a été, selon la comptabilité nationale, de 2,8% au 1er trimestre 2012 contre 5,6% le même trimestre de l’année précédente. Nos prévisions pour le 2ème trimestre tablent sur 2,6% contre 4,5% le même trimestre de l’année 2011.
Par ailleurs, les dernières informations publiées par les services du ministère des finances, l’Office des changes et Bank Al-Maghrib confirment, au plan des équilibres macroéconomiques, la robustesse de nos prévisions en matière de déficit des finances publiques, des finances extérieures et des tensions qui en résultent sur les conditions de financement de l’économie.
Existe-t-il réellement un risque de retour au PAS des années 80, en raison des déficits actuels et le recours à l’endettement sur le marché international ?
Nos prévisions pour 2012 et 2013 montrent un creusement des déficits du budget de l’Etat et des échanges extérieurs, alors que les activités économiques continuent à connaître un relatif dynamisme dans plusieurs secteurs. On peut considérer que cette situation revêt un aspect plutôt conjoncturel lié aux effets de la mauvaise année agricole et de la crise que connaissent nos principaux partenaires commerciaux de la zone euro et au-delà de l’ensemble de l’économie mondiale, aussi bien qu’à l’augmentation des prix internationaux des produits alimentaires et énergétiques. Malgré les mauvais souvenirs qui peuvent rappeler aujourd’hui la dégradation des équilibres financiers, il ne faut pas se hâter de comparer la situation économique actuelle avec celle qui a prévalu dans notre pays au cours des années 80. La détérioration du cadre macroéconomique était associée à une fragilité des structures de l’économie et la dette publique extérieure dépassait 100% du PIB. Ceci étant, le niveau excessif des équilibres internes et externes de ces dernières années, dans un contexte de crise économique internationale durable, appelle à une vigilante prudence dans la gestion macroéconomique de notre pays.Des réformes de structure pour équilibrer les finances publiques et améliorer la compétitivité de notre économie doivent se nourrir d’une volonté politique redoublée afin de capitaliser les acquis économiques et sociaux des dernières années et anticiper les défis de l’avenir.
Vous avez affirmé que la croissance de l’année prochaine sera soutenue par la demande intérieure. Comment ?
Depuis une décennie, le modèle de croissance économique nationale est basé sur le dynamisme de l’investissement, notamment public, et de la consommation des ménages. Ces deux composantes de demande intérieure ont bénéficié de la politique budgétaire expansive de l’Etat et de l’amélioration importante du pouvoir d’achat des ménages. Selon nos prévisions de juin 2012, l’année 2013 devrait continuer à bénéficier des effets d’une grande partie des investissements déjà programmés et des acquis sociaux antérieurs. Elle ne devrait pas connaître de rupture significative dans ce modèle de croissance.
Il faut, cependant, attendre la fin de l’année et connaître, notamment, les dispositions de la loi de Finances pour l’année 2013, pour actualiser ces prévisions.
Qu’en est-il du déficit commercial et budgétaire de l’année prochaine?
Dans une hypothèse de continuité de la politique budgétaire, nos prévisions pour 2013 font ressortir une amélioration des exportations marocaines, sous l’effet d’une légère amélioration de la demande mondiale adressée à notre pays. Cette amélioration, au cas où elle se réaliserait, resterait toutefois insuffisante pour assurer la couverture des besoins en importations et n’empêcherait pas une accentuation du déficit de notre commerce extérieur. Par ailleurs, il ressort de l’analyse du compte épargne-investissement que les déséquilibres structurels en matière de financement de l’économie nationale devraient se creuser. Le taux d’épargne nationale serait, en effet, en fléchissement, passant de 28% en 2011 à 26,9% en 2012 et à 26,3% en 2013. En revanche, le taux d’investissement brut s’élèverait à 35,6% du PIB en 2013, au même niveau estimé pour 2012. Le besoin de financement de l’économie nationale resterait ainsi insoutenable, de l’ordre 9,3% du PIB selon nos prévisions, après avoir connu un taux observé de 8% en 2011 et selon un taux estimé de 8,6% en 2012.
Est-ce que le HCP dispose de données sur l’impact de la réforme de la Caisse de compensation sur le pouvoir d’achat des ménages ?
Sur cette question nous avons eu plusieurs fois l’occasion de montrer la perversité, au plan économique et social, des dépenses budgétaires de soutien à la consommation. Nous avons, dans ce cadre, présenté plusieurs modalités de sortie de ce modèle de subventions forfaitaires, porteur de distorsions des mécanismes du marché et de creusement des inégalités sociales. Nous avons ainsi élaboré plusieurs modèles de ciblage géographique et social des crédits budgétaires au profit des territoires et des ménages les plus pauvres. De par nos attributions, nous ne préconisons aucun de ces modèles, tout en évaluant les avantages et les inconvénients de chacun d’eux. Le but de nos travaux se limite à susciter le débat sur ces questions d’intérêt national, éclairer la décision publique et, le cas échéant, en évaluer les effets. Ces travaux ont, du reste, fait l’objet de plusieurs séminaires et sont publiés dans notre site (www.hcp.ma).
La multiplication des sources de données sur les indicateurs économiques du pays donne l’impression que chaque organisme travaille en solo. Ne pensez-vous pas que le HCP doit œuvrer pour plus de coordination, notamment avec BAM et le ministère des finances ?
Chacune des institutions dont vous faites mention a son domaine de compétence et fournit les données qui relèvent de ses attributions. La coordination est, dès lors, nécessaire. Et elle est effective.
Les services du ministère des finances publient les données sur le budget de l’Etat, l’Office des changes sur les échanges extérieurs, Bank Al-Maghrib sur la monnaie et le crédit. Le HCP, de son côté, fournit les résultats de ses enquêtes régulières sur l’emploi, les prix à la production et à la consommation, la conjoncture économique et sociale. Il traite, par ailleurs, les informations produites, parfois, par d’autres institutions à partir des enquêtes régulières qu’elles réalisent dans leurs secteurs respectifs, comme c’est le cas, par exemple, du ministère de l’industrie ou celui du tourisme.
Par ailleurs, le HCP élabore les budgets économiques semestriels par lesquels il donne l’évolution des principaux agrégats de l’économie nationale et réalise périodiquement des études sur la démographie, le niveau de vie et le revenu des ménages et d’autres études économiques à caractère général. Bien entendu, il est en charge de l’établissement des comptes de la nation qui donnent l’image chiffrée de l’économie nationale, de ses ressources et de ses emplois, par secteur et par agent économique. Vous voyez ainsi que l’apport du HCP sert aussi bien la politique budgétaire définie par le ministère des finances que la politique monétaire menée par Bank Al-Maghrib, comme les informations statistiques fournies par ces derniers sont utilisées par le HCP dans ses travaux de prévisions et l’élaboration des comptes nationaux. Il n’y a, dès lors, aucun souci à se faire sur la cohérence des rapports institutionnels au plan de l’information économique dans notre pays. Ceci étant, même si les prévisions économiques du HCP restent, en grande partie, la référence nationale et internationale, d’autres prévisions sont publiées par différentes sources, publiques ou privées, et peuvent être contradictoires. Cela n’arrive que dans le domaine des prévisions et n’est pas spécifique au Maroc. De toute façon, les comptes nationaux sont là pour apporter le terme final aux prévisions.